C'était un jeudi, très exactement le dernier jour du printemps...
En ouvrant la porte pour recueillir mon courrier, je découvris une hirondelle, et j'en eus
un sursaut : la pauvre bête gisait sur le ventre, les ailes déployées, comme un avion de papier
légèrement chiffonné.
Mais comment était–elle arrivée sur ce palier, au troisième étage sans ascenseur de ce vieil immeuble à verrières?
Sans doute s'était–elle engouffrée en suivant la lumière pour se heurter aux vitres meurtrières de ce
leurre, croyant trouver par–là le chemin de la liberté...
Je m'approchai d'elle pour l'observer, reconnaître un signe de vie, un espoir, ou la fin peut–être comme pour tout sur cette terre? Je récitai quelques versets du Coran et d'autres invocations
comme cela m'arrive souvent car c'est un bien pour toute créature d'entendre de bonnes paroles.
Même si l'on sait que tout doit finir un
jour, on ne peut s'empêcher de s'apitoyer sur le blessé ou le malade mourant, ni de se révolter sur un départ que l'on juge anticipé pour peu que le voyageur nous quittât en pleine possession de
ses moyens, et cela d'autant plus qu'il nous est plus cher !
Je ne pouvais bien évidemment pas laisser l'oiseau gésir à un pas de mon paillasson, et, dans l'impossibilité de définir s'il vivait encore, je crus bien faire d'aller chercher une étoffe de bonne épaisseur afin de le ramasser le plus délicatement possible.
Dès que le contact physique fut établi, l'oiseau se détendit et sa tête avança imperceptiblement. Je le
saisis alors doucement mais fermement dans mes mains. Puis, je me rendis à la cuisine, où je remplis une dosette d'eau fraîche que je lui présentai en y trempant le bout de son joli bec. Je
déposai ensuite mon locataire inanimé dans un vieux moule à gâteau réservé à ce genre d'affaire pour enfin terminer notre aventure au salon.
On entendait les clameurs de la rue, du ciel et de leurs occupants, sous un soleil radieux, pénétrant et même brûlant.
Je tirai les volets afin de laisser mon invité sur le rebord en toute sérénité, au cas où il y eût encore un souffle à exprimer.
Alors, l'hirondelle se redressa et posa un pied sur le petit réservoir dont l'eau effleura ses griffes ; j'osais à peine respirer... quand soudain, elle se jeta dans le vide et tomba comme une pierre au fond d'un puits, tandis que je disais: «Il n'y a de force et de puissance qu'en Allah !»...
Puis, par un claquement sec de ses ailes, elle rejoignit là–haut la troupe tournoyante, multitude de
derviches tourneurs aériens dessinant infatigablement des cercles sacrés au rythme de leurs chants à la limite des nuages... où les anges descendent et se parlent de nous...
La joie est un jour qui se lève sur les cils recourbés de l'enfant à naître et je loue Allah de ces miracles permanents auxquels nous n'accordons jamais assez d'importance.
Ne serait–ce que pour l'air que nous respirons : invisible, impalpable, sans goût, ni odeur, ni forme, ni consistance, ni dimension à la portée du plus simple entendement.
Mais pourtant, il existe, réel, vital et personne ne pense à le nier !
N'y a–t–il pas là quelque chose à comprendre?
L'Hirondelle,
In, «Nouvelles du Ciel et de la Terre», (4 nouvelles à découvrir... en avant-goût)
http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre18454.html#page_3
Melina Nilles, ...alias Sissi la Vraie